Combattre la dépression partie 15 : Vanité des vanités...


    Comme nous l'avons vu dans la liste des symptômes, l'une des principales caractéristiques de la dépression est la perte d'intérêt pour tout (ou presque tout, selon la sévérité de l'épisode).

    Je ne sais pas si c'est le cas pour tout le monde, mais pour moi il y avait comme une sorte de prise de conscience soudaine que tout ce que je peux faire de mes journées est totalement inutile. Tous les objectifs que je me fixe, tous les projets que je fais, tout ce qui peut me motiver à me lever le matin, rien de tout cela ne laissera de trace à long terme. Même ma propre mémoire en oubliera la plus grande partie. Alors à quoi bon ?
       Dans ces moments-là je me demandais comment j'avais pu, pendant tant d'années, être assez insouciante pour me lever le matin, profiter de la vie comme si de rien était, et être assez superficielle pour vaquer à mes occupation et m'intéresser à des choses terrestres alors que je me dirige un jour ou l'autre tout droit vers la tombe et que la vie ici-bas a finalement bien peu d'importance.
Et puis parfois, j'avais des « moments de lucidité » où je me demandais comment j'avais pu avoir de telles pensées.
    A cause des modifications chimiques du cerveau, la mort ou la souffrance peuvent devenir en quelque sorte les choses les plus importantes de notre vie, les seules choses assez sérieuses pour occuper nos pensées. Tout le reste n'a plus de sens et nous semble frivole. Nous pouvons être tellement focalisées dessus que nous nous demandons comment font les autres pour ne pas s'en soucier autant que nous.
Ce qu'ils font nous ennuie tellement que nous ne comprenons pas comment ils peuvent s'y intéresser. Nous pouvons même trouver les autres superficiels. C'est aussi ce qui peut nous conduire à nous éloigner d'eux. Subitement, nous ne partageons plus leurs centres d'intérêt. Notre seul centre d'intérêt est nous-mêmes (avec nos souffrances, nos désirs insatisfaits, nos échecs, nos incapacités, nos angoisses,... et notre mort). Mais eux ne peuvent pas comprendre que nous trouvions la vie terrestre à ce point inutile que nous ne voyions plus de raison de continuer à vivre.

    On pense souvent que les personnes qui traversent la dépression veulent mourir, que la vie ne les intéresse plus. Mais c'est faux. Au contraire, personne n'a autant soif de vivre que nous. Personne ne souhaite autant que nous trouver un sens à son existence et la savourer de nouveau.
Alors nous ruminons longuement, nous explorons toutes nos sources de motivations pour essayer d'en trouver une qui en vaille la peine. En vain. Rien ne nous semble avoir de sens. Cet absolu que nous recherchons ne peut pas être atteint ici-bas.
Notre vision de la vie reste désespérément scotchée au sol. Nous sommes incapables de regarder plus haut pour y trouver un sens.

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    Il y a un personnage biblique qui est arrivé à la même conclusion au sujet de la vie terrestre. Rien qu'en lisant le titre de l'article, vous avez probablement deviné de qui je veux parler : le roi Salomon.

« Quel avantage revient-il à l'homme de toute la peine qu'il se donne sous le soleil ? » Ecclésiaste 1.3

    Pour nourrir de telles pensées, Salomon a-t-il lui aussi traversé la dépression ? Il y a de fortes chances que oui.

« Et j'en suis venu à livrer mon cœur au désespoir » Ecclésiaste 2.20

    Il semble avoir connu aussi les pensées de mort :

« Et j'ai trouvé les morts qui sont déjà morts plus heureux que les vivants qui sont encore vivants, et plus heureux que les uns et les autres celui qui n'a point encore existé et qui n'a pas vu les mauvaises actions qui se commettent sous le soleil. » Ecclésiaste 4.2 et 3

«  Et j'ai haï la vie, car ce qui se fait sous le soleil m'a déplu, car tout est vanité et poursuite du vent. » Ecclésiaste 2.17

    Salomon, en quête de sens à sa vie, a lui aussi exploré toutes les sources de motivations humaines :
  • la gloire, la renommée, le pouvoir : En tant que roi, il avait tout cela. Mais il dit : « Il n'y avait point de fin à tout ce peuple, à tous ceux à la tête desquels il était. Et toutefois, ceux qui viendront après ne se réjouiront pas à son sujet. Car c'est encore là une vanité et la poursuite du vent. » Ecclésiaste 4.16
  • la richesse : « Je m'amassai de l'argent et de l'or, et les richesses des rois et des provinces. » Ecclésiaste 2.8 « ...et voici, tout est vanité et poursuite du vent, » v.11
  • le plaisir : « J'ai dit en mon cœur: Allons ! je t'éprouverai par la joie, et tu goûteras le bonheur. Et voici, c'est encore là une vanité. » Ecclésiaste 2.1
  • la connaissance : « Voici, j'ai grandi et surpassé en sagesse tous ceux qui ont dominé avant moi sur Jérusalem, et mon cœur a vu beaucoup de sagesse et de science. J'ai appliqué mon cœur à connaître la sagesse, et à connaître la sottise et la folie ; j'ai compris que cela aussi c'est la poursuite du vent. » Ecclésiaste 1.16 et 17
«  Et j'ai dit en mon cœur: J'aurai le même sort que l'insensé ; pourquoi donc ai-je été plus sage ? Et j'ai dit en mon cœur que c'est encore là une vanité. Car la mémoire du sage n'est pas plus éternelle que celle de l'insensé, puisque déjà les jours qui suivent, tout est oublié. » Ecclésiaste 2.15 et 16
  • les bonnes œuvres, le travail : « Puis, j'ai considéré tous les ouvrages que mes mains avaient faits, et la peine que j'avais prise à les exécuter ; et voici, tout est vanité et poursuite du vent, et il n'y a aucun avantage à tirer de ce qu'on fait sous le soleil. » Ecclésiaste 2.11
  • la vie amoureuse : le cinéma exalte cela comme étant le summum du bonheur. Salomon semble être le héros du cantique des cantiques, donc il sait ce qu'est la passion amoureuse. Mais cela ne semble pas l'avoir comblé non plus puisqu'il a eu 300 femmes et 700 concubines. Et il dit : « voici ce que mon âme cherche encore, et que je n'ai point trouvé. J'ai trouvé un homme entre mille ; mais je n'ai pas trouvé une femme entre elles toutes. » Ecclésiaste 7.28
    Et lui aussi en arrive à la même conclusion. Aucune motivation humaine n'a de sens.

    Il a eu tout ce qu'il pouvait désirer. Mais chacune de ces motivations disparaît lorsque le désir est comblé. Il en est arrivé à ne plus rien désirer puisqu'il avait tout. Et sa vie était n'avait plus de sens. Aucune de ces choses n'a la capacité de donner un véritable but à notre existence. Elles ne laissent pas de traces derrière elles. Nous n'en emporterons aucune à notre mort.

    Si nous choisissons de faire dépendre notre bonheur de nos désirs, nous serons toujours malheureuses. Soit parce que nos désirs ne se réaliseront jamais, soit au contraire, parce qu'ils se réaliseront et qu'une fois passée la jouissance du rêve accompli, ils laisseront notre existence vide de sens. Et nous n'aurons plus qu'à trouver un nouveau rêve, un nouveau but à atteindre, tout aussi éphémère,...

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    Salomon, avec son regard très terre-à-terre, pensait donc que la seule chose que nous pouvons faire c'est de jouir de la vie (si nous en avons encore la capacité), suivre nos désirs et attendre le jugement.

« Jeune homme, réjouis-toi dans ta jeunesse, livre ton cœur à la joie pendant les jours de ta jeunesse, marche dans les voies de ton cœur et selon les regards de tes yeux ; mais sache que pour tout cela Dieu t'appellera en jugement » Ecclésiaste 11.9

    Mais il oubliait probablement (comme nous, lorsque nous sommes assaillies par la dépression) les 2 commandements les plus importants de toute la Bible, ceux qui donnent tout son sens à notre vie terrestre :

« Jésus lui répondit: Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme,
et de toute ta pensée.
C'est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable:
Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Matthieu 22.37 à 39

    Le but de notre vie terrestre est d'aimer. Non pas seulement comme un sentiment agréable que nous pourrions ressentir, mais aimer en action. Témoigner de l'amour par différents moyens.

  • D'abord à Dieu : En cherchant à le connaître toujours mieux pour que nos actions Lui plaisent, en faisant disparaître le péché de nos vies à chaque fois que nous sommes conscientes que quelque chose Lui déplaît, en Lui faisant toujours plus confiance, en l'adorant au quotidien,... et en aimant notre prochain. Cela aussi est une manière de manifester notre amour envers Dieu. Car Jésus a dit :
« Les justes lui répondront: Seigneur, quand t'avons-nous vu avoir faim, et t'avons-nous donné à manger ; ou avoir soif, et t'avons-nous donné à boire ? Quand t'avons-nous vu étranger, et t'avons-nous recueilli ; ou nu, et t'avons-nous vêtu ? Quand t'avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous allés vers toi ? Et le roi leur répondra: Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites. » Matthieu 25. 37 à 40
  • Et ensuite à toutes les personnes que Dieu place sur notre route. Pour y parvenir, cela exige d'être intentionnelles. D'y réfléchir à l'avance. De penser aux personnes et de prévoir ce que nous voulons faire pour leur témoigner de l'amour. Évidemment, on peut dire une parole gentille à une mamie qu'on va croiser dans la rue sans forcément s'y être préparées mais si nous voulons faire plus, cela va nécessiter de se fixer des objectifs, de faire des projets, de chercher des idées en lisant ou en observant ce que d'autres font,... Notre vie terrestre à travers cela ne prend-t-elle pas subitement du sens ?

    Il y a de très nombreux moyens de témoigner de l'amour à nos prochains. Citons déjà les 5 moyens présentés par Gary Chapman que vous connaissez probablement presque toutes : les paroles valorisantes, les moments de qualité, les services rendus, les gestes affectueux et les cadeaux.
(Rappelons ce qu'il développe dans ses livres : nous ne sommes pas tous sensibles de la même façon à chacune de ces marques d'affection, si nous voulons faire encore plus, nous pouvons chercher à découvrir le moyen qui touchera le mieux notre prochain.)
Nous pouvons ajouter à cette liste de nombreux autre moyens : Annoncer l'évangile à notre voisine est une manière de lui témoigner de l'amour. Enseigner les enfants de notre église en est une aussi, de même qu'exercer l'hospitalité, ou cuisiner pour les agapes.
Au quotidien, pour les membres de nos familles, des tas d'autres choses sont des preuves d'amour. Pensons-y, par exemple, lorsque nous repassons leur linge. Nous ne sommes pas seulement en train d'accomplir une tâche ennuyeuse qu'il nous faudra recommencer la semaine prochaine. Nous sommes en train d'accomplir le 2e commandement. Ce que nous faisons glorifie Dieu.

    Vivre de cette façon nous procurera de la joie car Jésus a dit : « Il y a plus de bonheur à donner qu'à recevoir. » Actes 20.35
Par ailleurs, concentrer nos pensées sur les autres nous aidera à arrêter de tourner autour de nous-mêmes, de nos incapacités, de nos désirs, de notre vie insatisfaisante,...

Remarque : N'inversons pas les 2 commandements. Nous ne pourrons aimer nos prochains de manière désintéressée que si nous cherchons d'abord à aimer Dieu de tout notre cœur, de toute notre âme et de toutes nos pensées. Car c'est l'amour de Dieu qui débordera à travers nous.

    Je trouve cela vraiment merveilleux que Dieu ait prévu de donner un sens à nos vies à travers l'amour. L'amour est quelque chose d'universel à la portée de tous. Ce n'est pas un trésor réservé pour les gens mariés, pour ceux qui ont une grande famille ou beaucoup d'amis. Même si vous êtes âgée, que nous vivez seule loin de vos enfants, que vous sortez peu et n'avez contact qu'avec la boulangère, le médecin et la pharmacienne, cela fait déjà 3 personnes que vous allez pouvoir aimer concrètement.

"Dieu nous a faits pour que nous soyons une source de bénédiction pour les gens tout autour de nous." (1)

    Ne plus être conduites par nos désirs mais avancer jour après jour avec l'amour pour Dieu et pour les autres comme motivation est en réalité l'apprentissage de toute une vie. C'est un choix que nous devons refaire quotidiennement sans quoi nos désirs ont vite fait de redevenir nos idoles.
Cela peut paraître pesant et peu gratifiant de choisir une vie ou nos désirs ne sont pas rois. Mais en réalité, ce chemin nous conduit à un trésor inestimable : la satisfaction.
Comme nous l'avons vu avec Salomon, nous pouvons vivre une vie comblée de bénédictions et être toujours insatisfaites. Aspirer toujours à autre chose.
Ou bien nous pouvons choisir de vivre pour aimer et nous pourrons dire comme l'apôtre Paul :

« car j'ai appris à être content de l'état où je me trouve. Je sais vivre dans l'humiliation, et je sais vivre dans l'abondance. » Philippiens 4.11 et 12

    Je savais ces choses intellectuellement, on me les a enseignées depuis toujours, et j'aurais certainement donné la bonne réponse si j'avais du répondre à un questionnaire biblique sur le sujet.
Mais expérimenter la vanité dans ma propre vie et la nécessité de me fixer d'aimer Dieu et les autres comme seule source de motivation valable pour lui donner un sens a été une véritable révélation pour moi.

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    Pardonnez-moi cet article long et qui vous semblera sans doute s'éloigner de notre thème.
Peut-être que la lecture de cette page provoque en vous autant d'ennui que toutes les autres choses de votre vie, que même l'amour ne vous semble pas être une motivation suffisante pour vous lever le matin parce que vous êtes trop écrasée par vos problèmes et votre mal-être.

    Si tel est le cas, ne perdez pas espoir de retrouver le goût pour les belles choses de la vie. Dieu a le pouvoir de vous délivrer de cette prison intérieure qui vous rend si malheureuse. Suppliez-le aussi longtemps qu'il le faudra. Souvenez-vous de la parabole que Jésus a racontée au sujet d'un homme qui dérange son ami au milieu de la nuit pour lui demander un service :

«  je vous le dis, même s'il ne se levait pas pour les lui donner parce que c'est son ami, il se lèverait à cause de son importunité et lui donnerait tout ce dont il a besoin. Et moi, je vous dis: Demandez, et l'on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l'on vous ouvrira. Car quiconque demande reçoit, celui qui cherche trouve, et l'on ouvre à celui qui frappe. » Luc 11.8 à 10
«  Ayez foi en Dieu. » Marc 11.22

(1) Francis Chan Le gros tracteur rouge et le petit village (littérature jeunesse)

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Pleine des plus beaux dons, l'âme se trouve vide ;
Elle n'en peut tirer qu'un bonheur imparfait ;
Rien ne pourra remplir ce cœur toujours avide,
Que la seule beauté pour laquelle il est fait.

Tous les plaisirs du siècle et toutes ses caresses,
La pompe et la grandeur des trônes réunis,
Toutes les voluptés et toutes les richesses,
Sont des biens trop bornés pour des vœux infinis.
...
Brise, ô Dieu ! les liens où mon âme captive
Entre le monde et Toi partage ses soupirs,
Et dirige mes pas vers la source d'eau vive
Qui peut seule étancher la soif de mes désirs.

Extrait du chant Pleine des plus beaux dons
Ami Bost, paroles du recueil de Paris
Recueil Sur les ailes de la foi n°328


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